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Titre de l'article: Données cliniques et biologiques de 503 patients atteints d’actinopathies dysimmunitaires du registre MENA

(middle East and North Africa)

Premier auteur: Zahra Chavoshzadeh

Revue: Front Genet.

Auteur du résumé: Philippe Mertz


Différences de présentation entre Le groupe des régulateurs de la voie RAC2  et le groupe des régulateurs de la voie de CDC42

Les actinopathies constituent un groupe émergent de déficits immunitaires primitifs liés à des anomalies des gènes régulant le cytosquelette d’actine. Ces protéines contrôlent des fonctions immunitaires essentielles telles que la migration cellulaire, l’infiltration tissulaire et la formation de la synapse immunologique. Cliniquement, elles associent infections sévères et récurrentes, manifestations allergiques, cytopénies (notamment thrombopénie et/ou anomalie du volume plaquettaire moyen), auto-immunité et parfois malignités.

La région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) présente une prévalence élevée de ces maladies, en raison notamment d’une fréquence élevée de mariages consanguins. L’objectif de cette étude multicentrique rétrospective était de décrire les caractéristiques cliniques, immunologiques et génétiques et de décrire les approches thérapeutiques utilisées chez les patients avec actinopathie.

Les auteurs ont proposé une classification des actinopathies en trois grands groupes, selon les mécanismes touchés (voir figure 1A extraite de l’article). Pour mémoire, la polymérisation de l’actine est indispensable à la formation de protrusions cellulaires, et dépend principalement de deux voies associées aux RHO GTPases RAC2 et CDC42 :


  • Le groupe des régulateurs de la voie RAC2 (en bleu), qui active le complexe ARP2/3 et induit la formation de lamellipodes ;

  • Le groupe des régulateurs de la voie de CDC42 (en rouge), qui active le complexe WAVE et génère des filopodes ;

  • Un troisième groupe rassemble essentiellement des anomalies de facteurs de transcription de l’actine ou de ses régulateurs (en vert), tels que CEBPE, WDR1 ou MKL1.

    Schéma du remodelage de l'actine dans les leucocytes via deux voies principales.

Au total, 503 patients issus de 17 pays ont été inclus. L’âge médian au début des symptômes était de 4 mois, et le délai médian de diagnostic atteignait 19 mois. La mortalité globale était de 23 %, principalement liée aux complications infectieuses et aux cancers.

Les présentations initiales les plus fréquentes étaient les manifestations allergiques (33,7 %), les infections (32 %) et les hémorragies (16,8 %). Tout au long de la vie, les infections dominaient (90 %), surtout respiratoires (72 %) et cutanées (48 %). L’eczéma était l’expression allergique la plus fréquente (67,9 %). Les cytopénies (42,7 %), lymphoproliférations (19,1 %) et lymphomes (5,9 %) complétaient le spectre.

Parmi les 391 patients ayant eu un diagnostic génétique, les gènes les plus souvent impliqués étaient DOCK8 (53.8%), WAS (n=24.6%) et CARMIL2 (4.3%). A noter qu’aucun patient atteint de mutations de CDC42 était inclus dans le groupe des régulateurs de la voie CDC42.

La greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) était réalisée chez 24 % des patients, améliorant nettement la survie dans les déficits WAS, DOCK8 et DOCK2. La substitution en immunoglobulines (89,4 %) et l’antibioprophylaxie (93 %) étaient quasi systématiques.


Les auteurs se sont ensuite intéressés aux différences de présentation entre les différents groupes.  Les principales différences sont présentées dans la figure ci-contre.

Différences de présentation entre Le groupe des régulateurs de la voie RAC2  et le groupe des régulateurs de la voie de CDC42

VPM : volume plaquettaire moyen

Messages clés

  1. Les actinopathies sont le plus souvent révélées dès la petite enfance par des infections (respiratoires +++) et des allergies (eczéma, dermatite atopique) sévères, avec une mortalité globale proche de 25 %. Les plaquettes peuvent être normales chez une grande majorité des patients (48 – 94% selon le groupe).

  2. Les variants touchant la voie CDC42 s’associent à un début plus précoce, un phénotype plus sévère et une mortalité plus élevée que ceux de la voie RAC2, qui présentent un profil plus tardif, souvent marqué par lymphoprolifération.

  3. La greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) constitue une option thérapeutique clé, particulièrement bénéfique pour les déficits en DOCK8, WAS et DOCK2, soulignant l’importance d’un diagnostic précoce et d’une orientation rapide vers un centre expert.


 
 
 
Titre de l'article: Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A
Premier auteur: Johanna Lehtonen
Revue: Human Molecular Genetics
Auteur du résumé: Philippe Mertz

Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A

Trois points clés à retenir :

  1. Deux nouveaux variants de CCDC88A ont été identifiés chez deux enfants nés à terme de parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations corticales, de microcéphalie et d'épilepsie. Ce gène code la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), protéine pouvant se lier à l'actine et jouant le rôle de régulateur du cytosquelette d'actine.

  2. Leurs fibroblastes montrent des anomalies qualitatives et fonctionnelles du cytosquelette d'actine.

  3. Cette actinopathie est associée à des manifestations dysimmunitaires avec notamment un déficit immunitaire associé, et probablement à des manifestations inflammatoires également (colite inflammatoire chez l'un des deux patients).

Les actinopathies constituent un groupe de maladies génétiques rares dans lesquelles des anomalies de la dynamique du cytosquelette d'actine perturbent diverses fonctions cellulaires, en particulier dans les systèmes immunitaire et nerveux. Elles sont associées à des phénotypes cliniques complexes, pouvant inclure des manifestations de type malformations et syndrome dysmorphique, retard neuro-développemental, manifestations de type déficit immunitaire primitif ou encore des manifestations auto-immunes et auto-inflammatoires.

Le gène CCDC88A code pour la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), une protéine capable de se lier directement à l'actine et participant à la régulation de ses fonctions. Elle joue le rôle d'adaptateur multifonctionnel essentiel à l'organisation du cytosquelette d'actine, à la signalisation PI3K-AKT, à la migration cellulaire et à la régulation de l'équilibre entre prolifération et migration. La girdine interagit également avec de nombreuses protéines, dont l'EGFR, et est impliquée dans la formation de la synapse immunologique, l'autophagie et le trafic vésiculaire.

Dans cette étude, les auteurs rapportent deux patients, frère et sœur, issus de deux parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations du développement cortical, de microcéphalie postnatale, d'épilepsie sévère, de déficit intellectuel profond et de susceptibilité accrue aux infections. Le séquençage du génome (Whole Genome Sequencing) a révélé chez les deux enfants des variants hétérozygotes composites de CCDC88A, comprenant une mutation faux-sens (p.Asp310Ala) et une délétion intragénique de trois exons (p.E508*), non rapportée auparavant. Le portage à l'état hétérozygote simple de ces variants a été détecté chez les individus asymptomatiques de la famille.


The family pedigree illustrates the segregation of the intragenic deletion and the missense variant (c.929A > C:p.Asp310Ala) identified in CCDC88A

L'analyse fonctionnelle des fibroblastes des patients a permis de caractériser pour la première fois les conséquences cellulaires d'une déficience en girdine. Les cellules mutées présentent une prolifération accrue, une migration diminuée, une réduction de la taille cellulaire, une désorganisation du cytosquelette d'actine (faisceaux allongés, agrégés et peu réticulés), une diminution des adhésions focales, ainsi qu'une accumulation périnucléaire d'organites endolysosomaux. Ces phénotypes ont été reproduits dans des lignées fibroblastiques rendues knock-out pour CCDC88A par CRISPR-Cas9, confirmant qu'il s'agit d'une actinopathie associée à une perte de fonction de la girdine.

Sur le plan immunologique, la girdine est surtout exprimée par les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques, et moins exprimée par les lymphocytes T. Les patients présentaient une susceptibilité marquée aux infections respiratoires, une réponse vaccinale défectueuse, une lymphopénie B modérée, une réduction du nombre de cellules dendritiques monocytoïdes et plasmacytoïdes, et une diminution des lymphocytes T régulateurs. Un patient présentait également une maladie inflammatoire chronique de l'intestin diagnostiquée sur la base de symptômes abdominaux compatibles et d'une calprotectine fécale élevée. De façon intéressante, le défaut en girdine mène à une réponse immune hyperréactive de la part des macrophages dans le modèle murin de colite induite par le dextrane sodium sulfate (modèle qui présente de plus un côlon raccourci et une perte de poids importante). Ces données étayent l'existence d'un déficit immunitaire combiné touchant l'immunité innée et adaptative, et de manifestations inflammatoires associées.

CCDC88A avait déjà été impliqué dans des encéphalopathies neurodéveloppementales par variants tronquants homozygotes, mais il s'agit ici de la première fois qu'un phénotype dysimmunitaire est authentifié chez des patients porteurs de mutations de ce gène. Il s'agit également de la première étude démontrant, par des approches fonctionnelles sur cellules primaires et modèles CRISPR, que les variants de CCDC88A induisent une véritable immunoactinopathie.



 
 
 
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