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Titre de l'article: Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A
Premier auteur: Johanna Lehtonen
Revue: Human Molecular Genetics
Auteur du résumé: Philippe Mertz

Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A

Trois points clés à retenir :

  1. Deux nouveaux variants de CCDC88A ont été identifiés chez deux enfants nés à terme de parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations corticales, de microcéphalie et d'épilepsie. Ce gène code la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), protéine pouvant se lier à l'actine et jouant le rôle de régulateur du cytosquelette d'actine.

  2. Leurs fibroblastes montrent des anomalies qualitatives et fonctionnelles du cytosquelette d'actine.

  3. Cette actinopathie est associée à des manifestations dysimmunitaires avec notamment un déficit immunitaire associé, et probablement à des manifestations inflammatoires également (colite inflammatoire chez l'un des deux patients).

Les actinopathies constituent un groupe de maladies génétiques rares dans lesquelles des anomalies de la dynamique du cytosquelette d'actine perturbent diverses fonctions cellulaires, en particulier dans les systèmes immunitaire et nerveux. Elles sont associées à des phénotypes cliniques complexes, pouvant inclure des manifestations de type malformations et syndrome dysmorphique, retard neuro-développemental, manifestations de type déficit immunitaire primitif ou encore des manifestations auto-immunes et auto-inflammatoires.

Le gène CCDC88A code pour la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), une protéine capable de se lier directement à l'actine et participant à la régulation de ses fonctions. Elle joue le rôle d'adaptateur multifonctionnel essentiel à l'organisation du cytosquelette d'actine, à la signalisation PI3K-AKT, à la migration cellulaire et à la régulation de l'équilibre entre prolifération et migration. La girdine interagit également avec de nombreuses protéines, dont l'EGFR, et est impliquée dans la formation de la synapse immunologique, l'autophagie et le trafic vésiculaire.

Dans cette étude, les auteurs rapportent deux patients, frère et sœur, issus de deux parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations du développement cortical, de microcéphalie postnatale, d'épilepsie sévère, de déficit intellectuel profond et de susceptibilité accrue aux infections. Le séquençage du génome (Whole Genome Sequencing) a révélé chez les deux enfants des variants hétérozygotes composites de CCDC88A, comprenant une mutation faux-sens (p.Asp310Ala) et une délétion intragénique de trois exons (p.E508*), non rapportée auparavant. Le portage à l'état hétérozygote simple de ces variants a été détecté chez les individus asymptomatiques de la famille.


The family pedigree illustrates the segregation of the intragenic deletion and the missense variant (c.929A > C:p.Asp310Ala) identified in CCDC88A

L'analyse fonctionnelle des fibroblastes des patients a permis de caractériser pour la première fois les conséquences cellulaires d'une déficience en girdine. Les cellules mutées présentent une prolifération accrue, une migration diminuée, une réduction de la taille cellulaire, une désorganisation du cytosquelette d'actine (faisceaux allongés, agrégés et peu réticulés), une diminution des adhésions focales, ainsi qu'une accumulation périnucléaire d'organites endolysosomaux. Ces phénotypes ont été reproduits dans des lignées fibroblastiques rendues knock-out pour CCDC88A par CRISPR-Cas9, confirmant qu'il s'agit d'une actinopathie associée à une perte de fonction de la girdine.

Sur le plan immunologique, la girdine est surtout exprimée par les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques, et moins exprimée par les lymphocytes T. Les patients présentaient une susceptibilité marquée aux infections respiratoires, une réponse vaccinale défectueuse, une lymphopénie B modérée, une réduction du nombre de cellules dendritiques monocytoïdes et plasmacytoïdes, et une diminution des lymphocytes T régulateurs. Un patient présentait également une maladie inflammatoire chronique de l'intestin diagnostiquée sur la base de symptômes abdominaux compatibles et d'une calprotectine fécale élevée. De façon intéressante, le défaut en girdine mène à une réponse immune hyperréactive de la part des macrophages dans le modèle murin de colite induite par le dextrane sodium sulfate (modèle qui présente de plus un côlon raccourci et une perte de poids importante). Ces données étayent l'existence d'un déficit immunitaire combiné touchant l'immunité innée et adaptative, et de manifestations inflammatoires associées.

CCDC88A avait déjà été impliqué dans des encéphalopathies neurodéveloppementales par variants tronquants homozygotes, mais il s'agit ici de la première fois qu'un phénotype dysimmunitaire est authentifié chez des patients porteurs de mutations de ce gène. Il s'agit également de la première étude démontrant, par des approches fonctionnelles sur cellules primaires et modèles CRISPR, que les variants de CCDC88A induisent une véritable immunoactinopathie.



 
 
 

Titre de l'article: Efficacité et tolérance de l’azacitidine dans le syndrome VEXAS : données rétrospectives de la cohorte française FRENVEX

Premier auteur: Vincent Jachiet

Revue: Blood

Auteur du résumé: Philippe Mertz


 Efficacité et tolérance de l’azacitidine dans le syndrome VEXAS : données rétrospectives de la cohorte française FRENVEX

Trois points clés à retenir :

  1. L’azacitidine est une option thérapeutique efficace dans le syndrome VEXAS même sans myélodysplasie associée, avec des effets simultanés sur l’inflammation, les cytopénies et le clone UBA1.

  2. La réponse est souvent retardée et nécessite une exposition prolongée (≥6 cycles) avant évaluation. Les effets indésirables, notamment infectieux, surviennent essentiellement dans les 3 premiers cycles de traitement. L’arrêt d’AZA entraîne des rechutes dans la majorité des cas, suggérant un effet suspensif plutôt que curatif.

  3. Le suivi moléculaire (VAF UBA1) permet d’objectiver une réponse clonale et pourrait devenir un biomarqueur de suivi dans cette pathologie.

Le syndrome VEXAS est une maladie auto-inflammatoire monogénique acquise, associée à des mutations somatiques dans le gène UBA1. Les patients présentent un large spectre de manifestations inflammatoires sévères et de cytopénies, pouvant s’associer à un syndrome myélodysplasique (SMD). Le traitement repose principalement sur les corticoïdes, avec une cortico-dépendance fréquente malgré traitement d’épargne associé par thérapies ciblées (anti-IL-6, anti-JAK, etc.) qui ont une efficacité inconstante. L’azacitidine (AZA), agent hypométhylant utilisé dans les SMD, a montré un potentiel dans le VEXAS, mais les données publiées restaient limitées.

Il s’agit ici d’une étude rétrospective multicentrique menée en France par le groupe FRENVEX, incluant 88 patients atteints de VEXAS génétiquement confirmé ayant reçu au moins un cycle d’AZA entre 2009 et 2024.


Dans cette étude, la réponse inflammatoire était définie comme une amélioration à la fois clinique et biologique des manifestations systémiques, incluant la réduction des symptômes inflammatoires et une diminution soutenue des marqueurs biologiques comme la CRP. La réponse hématologique suivait les critères de l’International Working Group 2018 pour les SMD, et correspondait à une amélioration significative des cytopénies, notamment une augmentation de l’hémoglobine, des plaquettes ou des neutrophiles, ou une réduction des besoins transfusionnels. Enfin, la réponse moléculaire était établie sur la base d’une diminution d’au moins 25 % de la charge mutationnelle (VAF) du variant UBA1, évaluée par séquençage ciblé au cours du traitement. Les effets secondaires du traitement étaient décrits selon les critères de la Common 229 Terminology Criteria for Adverse Events (version 5.0).

Les réponses inflammatoires, hématologiques et moléculaires ont été évaluées, ainsi que la tolérance, indépendamment de l’existence d’un SMD associé (présent chez 80 %).

Les principaux résultats de cette étude montrent :

  • Une réponse inflammatoire partielle ou complète observée chez 61 % des patients (41 % à 6 mois, 54 % à 12 mois). Le délai médian de réponse était parfois tardif (>6 cycles).

  • Une réponse hématologique avec amélioration de l’hémoglobine dans 65 %, du taux de plaquettes dans 77 %, avec un bénéfice clinique sur les cytopénies et les besoins transfusionnels.

  • Une réponse moléculaire avec diminution d’au moins 25 % de la charge mutationnelle UBA1 chez 65 % des patients, corrélée à la réponse clinique.

  • Des effets indésirables sévères (grade III et IV) chez 60 % des patients, principalement infections (34 %) et cytopénies (36 %), survenant majoritairement dans les 3 premiers cycles.

  • 75 % des patients rechutent après arrêt de l’AZA (durée médiane de la période sans traitement de 3,1 ans), mais la reprise du traitement est efficace dans 80 % des cas.


Ce travail soutient l’usage de l’AZA comme traitement de première ligne chez les patients avec un syndrome VEXAS et des cytopénies sévères, ou en seconde ligne en cas d’échec des biothérapies anti-inflammatoires, même en l’absence de SMD associé. Les effets indésirables liés au traitement, notamment les infections, semblent survenir principalement lors des 3 premiers cycles de traitement. Des études prospectives sont nécessaires pour confirmer son positionnement et optimiser la stratégie thérapeutique.

 
 
 
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