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Titre de l'article: Des nouveaux variants de MRTFA expandent le phénotype de cette actinopathie avec neutropénie et manifestations autoinflammatoires
Premier auteur: Wendao Li
Revue: Pediatric Allergy and Immunology
Auteur du résumé: Philippe Mertz

De nouvelles variantes du gène MRTFA élargissent le spectre d’une actinopathie avec baisse des globules blancs et inflammation

Trois points clés à retenir :

  • Le déficit en MKL1 était connu pour entrainer une désorganisation majeure du cytosquelette d’actine et un déficit immunitaire primitif sévère avec défaut des phagocytes.

  • Les auteurs rapportent ici le premier cas de variants hétérozygotes composites dans MRTFA, élargissant le spectre phénotypique connu avec au premier plan des manifestations autoinflammatoires majeures et des anomalies du nombre et fonction des neutrophiles.

  • Comme illustré ici, le phénotype complet des actinopathies reste probablement à découvrir, soulignant l’importance d’un diagnostic précis et d’explorations fonctionnelles approfondies.

Le gène MRTFA encode la protéine Megakaryoblastic Leukemia 1 (MKL1), régulateur du facteur de transcription SRF qui induit la transcription de gènes impliqués dans l’homéostasie du cytosquelette d'actine, la migration cellulaire et l'adhérence dans de multiples types de cellules. Normalement, la polymérisation de l'actine G libère MKL1, lui permettant d'entrer dans le noyau pour coactiver les gènes ciblés par SRF.

Le défaut en MKL1 a été initialement décrit en 2015 chez 3 patients qui présentaient un phénotype d’actinopathie avec déficit immunitaire combiné, avec notamment un défaut en nombre et fonction des phagocytes.  Ces cas antérieurs, issus de familles consanguines, présentaient des variants homozygotes conduisant à l'absence complète de la protéine MKL1. Le tableau clinique classique incluait une susceptibilité accrue aux infections bactériennes sévères, une mauvaise cicatrisation et une thrombocytopénie.

Cet article rapporte le quatrième patient avec défaut en MKL1 et le premier cas rapporté associé à des variants hétérozygotes composites dans le gène MRTFA (NM_020831; p.Q377X/p.C684X). Ces deux variants se situent dans des domaines critiques de la protéine MKL1, entraînant l'absence complète de la protéine dans les PBMCs et neutrophiles, et donc de sa fonction de régulateur de facteur de transcription de gènes du métabolisme de l’actine.

La patiente, âgée de 3 ans et issue d’une famille non consanguine, a présenté ses premiers symptômes dès l’âge de 2 mois. Elle souffrait alors d’infections précoces, d’une neutropénie intermittente et d’une thrombocytopénie, avec un nadir à 55 G/L. Contrairement aux cas décrits initialement dans la littérature, les infections observées chez cette patiente étaient relativement moins sévères. En revanche, elle présentait des manifestations auto-inflammatoires marquées, caractérisées par des épisodes fébriles récurrents associés à des lésions cutanées multiples — érythémateuses et papuleuses — touchant le visage et les membres, ainsi qu’un gonflement des mains et des pieds. Elle présentait également des diarrhées glairo-sanglantes intermittentes, des ulcères rectaux, une colite et une hyperplasie folliculaire lymphoïde colique objectivées à l’endoscopie.

Multiple erythematous rashes on the patient's face and legs and swelling of the fee

Figure extraite de l’article

Les auteurs ont mené plusieurs explorations fonctionnelles pour comprendre l’impact de ces variants :

  • L'absence de MKL1 a provoqué un dysfonctionnement marqué du cytosquelette d'actine, caractéristique des actinopathies. Une réduction significative du contenu en actine filamenteuse (actine F) a été observée dans les neutrophiles, les monocytes, et, dans une moindre mesure, les lymphocytes T et B. De même, la polymérisation de l'actine F en réponse à la stimulation (fMLF) était réduite.

  • Une dysfonction majeure des neutrophiles :

    • Migration : réponse chimiotactique fortement réduite

    • Production de ROS et burst oxydatif : La production de ROS (espèces réactives de l'oxygène), qu'elle soit intra- ou extracellulaire, et la production de Hâ‚‚Oâ‚‚ (évaluée par DHR) étaient réduites en réponse à la stimulation. Ceci contraste avec les rapports précédents qui n'avaient pas noté de défauts dans la production de ROS.

    • NETs (Neutrophil Extracellular Traps) : La formation de NETs, mécanisme crucial de défense immunitaire nécessitant un réarrangement intact du cytosquelette d'actine, était altérée.

L'analyse transcriptomique des neutrophiles a fourni un soutien aux observations cliniques inflammatoires, révélant une régulation négative des gènes du cytosquelette, mais, de manière concomitante, une régulation positive des voies inflammatoires, y compris la voie NFkB, TNFα et une signature type maladies inflammatoires de l'intestin (MICI). Ces résultats pourraient expliquer en partie les manifestations inflammatoires observées chez la patiente.

En conclusion, les auteurs rapportent ici le premier cas de déficience en MKL1 associée à des variants hétérozygotes composites, élargissant significativement le spectre phénotypique connu. L’association d’un phénotype auto-inflammatoire marqué à un déficit immunitaire moins sévère souligne la diversité et la complexité des actinopathies. Comme illustré ici, le phénotype complet de ces maladies reste probablement encore à découvrir, justifiant la poursuite des investigations cliniques et fonctionnelles.



 
 
 
Titre de l'article: Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A
Premier auteur: Johanna Lehtonen
Revue: Human Molecular Genetics
Auteur du résumé: Philippe Mertz

Nouvelle actinopathie avec manifestations neuro-développementales et dysimmunitaires associée aux variants de CCDC88A

Trois points clés à retenir :

  1. Deux nouveaux variants de CCDC88A ont été identifiés chez deux enfants nés à terme de parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations corticales, de microcéphalie et d'épilepsie. Ce gène code la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), protéine pouvant se lier à l'actine et jouant le rôle de régulateur du cytosquelette d'actine.

  2. Leurs fibroblastes montrent des anomalies qualitatives et fonctionnelles du cytosquelette d'actine.

  3. Cette actinopathie est associée à des manifestations dysimmunitaires avec notamment un déficit immunitaire associé, et probablement à des manifestations inflammatoires également (colite inflammatoire chez l'un des deux patients).

Les actinopathies constituent un groupe de maladies génétiques rares dans lesquelles des anomalies de la dynamique du cytosquelette d'actine perturbent diverses fonctions cellulaires, en particulier dans les systèmes immunitaire et nerveux. Elles sont associées à des phénotypes cliniques complexes, pouvant inclure des manifestations de type malformations et syndrome dysmorphique, retard neuro-développemental, manifestations de type déficit immunitaire primitif ou encore des manifestations auto-immunes et auto-inflammatoires.

Le gène CCDC88A code pour la protéine girdine (en anglais « échafaudage »), une protéine capable de se lier directement à l'actine et participant à la régulation de ses fonctions. Elle joue le rôle d'adaptateur multifonctionnel essentiel à l'organisation du cytosquelette d'actine, à la signalisation PI3K-AKT, à la migration cellulaire et à la régulation de l'équilibre entre prolifération et migration. La girdine interagit également avec de nombreuses protéines, dont l'EGFR, et est impliquée dans la formation de la synapse immunologique, l'autophagie et le trafic vésiculaire.

Dans cette étude, les auteurs rapportent deux patients, frère et sœur, issus de deux parents d'origine finlandaise sans lien de parenté, atteints de malformations du développement cortical, de microcéphalie postnatale, d'épilepsie sévère, de déficit intellectuel profond et de susceptibilité accrue aux infections. Le séquençage du génome (Whole Genome Sequencing) a révélé chez les deux enfants des variants hétérozygotes composites de CCDC88A, comprenant une mutation faux-sens (p.Asp310Ala) et une délétion intragénique de trois exons (p.E508*), non rapportée auparavant. Le portage à l'état hétérozygote simple de ces variants a été détecté chez les individus asymptomatiques de la famille.


The family pedigree illustrates the segregation of the intragenic deletion and the missense variant (c.929A > C:p.Asp310Ala) identified in CCDC88A

L'analyse fonctionnelle des fibroblastes des patients a permis de caractériser pour la première fois les conséquences cellulaires d'une déficience en girdine. Les cellules mutées présentent une prolifération accrue, une migration diminuée, une réduction de la taille cellulaire, une désorganisation du cytosquelette d'actine (faisceaux allongés, agrégés et peu réticulés), une diminution des adhésions focales, ainsi qu'une accumulation périnucléaire d'organites endolysosomaux. Ces phénotypes ont été reproduits dans des lignées fibroblastiques rendues knock-out pour CCDC88A par CRISPR-Cas9, confirmant qu'il s'agit d'une actinopathie associée à une perte de fonction de la girdine.

Sur le plan immunologique, la girdine est surtout exprimée par les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques, et moins exprimée par les lymphocytes T. Les patients présentaient une susceptibilité marquée aux infections respiratoires, une réponse vaccinale défectueuse, une lymphopénie B modérée, une réduction du nombre de cellules dendritiques monocytoïdes et plasmacytoïdes, et une diminution des lymphocytes T régulateurs. Un patient présentait également une maladie inflammatoire chronique de l'intestin diagnostiquée sur la base de symptômes abdominaux compatibles et d'une calprotectine fécale élevée. De façon intéressante, le défaut en girdine mène à une réponse immune hyperréactive de la part des macrophages dans le modèle murin de colite induite par le dextrane sodium sulfate (modèle qui présente de plus un côlon raccourci et une perte de poids importante). Ces données étayent l'existence d'un déficit immunitaire combiné touchant l'immunité innée et adaptative, et de manifestations inflammatoires associées.

CCDC88A avait déjà été impliqué dans des encéphalopathies neurodéveloppementales par variants tronquants homozygotes, mais il s'agit ici de la première fois qu'un phénotype dysimmunitaire est authentifié chez des patients porteurs de mutations de ce gène. Il s'agit également de la première étude démontrant, par des approches fonctionnelles sur cellules primaires et modèles CRISPR, que les variants de CCDC88A induisent une véritable immunoactinopathie.



 
 
 
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