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Premier auteur :  Chaabouni et al

Revue: Néphrologie et thérapeutique

Reference :  DOI : 10.1016/j.nephro.2021.08.005

Lien vers l’article :  https://doi.org/10.1016/j.nephro.2021.08.005

Une cause rare et très sévère de l’amylose AA : Les épidermolyses bulleuses héréditaires

Introduction :

Les épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives (EBDR) sont des génodermatoses rares, de transmission autosomique récessive. Elles sont caractérisées par une fragilité cutanée et muqueuse aboutissant à la formation de bulles au moindre traumatisme, par clivage sous-épidermique, sous la lamina densa. Elles sont associées à des mutations dans le gène COL7A1 codant pour le collagène VII, le composant principal des fibrilles d’ancrage. Elle se manifeste dès la naissance par des bulles et des érosions cutanées diffuses, avec une atteinte muqueuse sévère.

Le pronostic des EBDR est sombre et le décès survient généralement au cours des 3 premières décennies. Les complications sont multiples, dominées par la dénutrition, les infections à répétition et la dégénérescence des lésions cutanées chroniques en carcinome épidermoïde. L’amylose AA, touchant surtout les reins, est une complication systémique rare des EBDR. Les auteurs de cet article rapportent deux cas d’amylose AA rénale chez des patients tunisiens atteints d’EBDR.


Observations :

Observation 1:

Il s’agissait d’un homme issu d’un mariage consanguin, atteint d’EBDR. Des lésions bulleuses généralisées étaient présentes dès la naissance (Fig. 1). L’atteinte de la muqueuse buccale était sévère. Le cuir chevelu était respecté. La microscopie électronique sur biopsie cutanée montrait une altération des fibrilles d’ancrage. Une mutation (p.R2063W/p.R2063W) du gène COL7A1 était identifiée par séquençage par Sanger . A l’âge de 38 ans, le patient présentait des œdèmes des membres inférieurs blancs, mous, prenant le godet, d’installation progressive sur 2 mois, associés à une asthénie et une oligurie. La pression artérielle et l’auscultation cardio-pulmonaire étaient normales. Le bilan sanguin montrait une anémie hypochrome microcytaire à 9 g/dL, une insuffisance rénale terminale, une hypoprotidemie à 46 g/L et une hypoalbuminémie profonde à 9,7 g/L. Les analyses urinaires retrouvaient une protéinurie abondante (4 g/24 h) et une hématurie à 2 croix.

Devant ce syndrome néphrotique impur, le diagnostic d’amylose AA rénale était retenu devant la présence de dépôts de substance amyloïde dans les glomérules et le long de la paroi vasculaire sur la biopsie rénale. L’hémodialyse était indiquée mais refusée par le patient qui décédait deux mois plus tard.


Observation 2:

Une patiente âgée de 28 ans, issue d’un mariage consanguin, consultait pour des œdèmes des membres inférieurs blancs, mous, prenant le godet, datant d’un mois. Elle était suivie depuis sa naissance pour une EBDR. L’examen cutané retrouvait des lésions bulleuses et des érosions post-bulleuses siégeant au niveau des extrémité et du dos. La cicatrisation était lente, aboutissant à des cicatrices atrophiques, sans grains de milium. Il n’y avait pas de syndactylie.

L’atteinte de la muqueuse buccale montre une oligodontie (Fig. 2). On notait, par ailleurs, une anonychie au niveau des orteils et une alopécie cicatricielle. Le séquençage du gène COL7A1 a retrouvait une mutation (p.G1483D/pG1483D). Les explorations biologiques montraient une anémie sévère à 7 g/dL hypochrome microcytaire, une hypoprotidémie à 42 g/L, une hypoalbuminémie 18 g/L et une protéinurie à 8 g/24 h. Les fonctions rénale et hépatique étaient normales.

La biopsie des glandes salivaires accessoires objectivait la présence de dépôts amyloïdes.

Deux mois après le diagnostic, la patiente était admise pour une infection urinaire à Escherichia Coli. La fonction rénale s’était rapidement dégradée, avec une clairance de créatinine à 15 mL/min. La patiente décédait quelques jours plus tard, suite à un choc septique.


Discussion:

L’amylose AA secondaire à l'épidermolyse bulleuse complique majoritairement les formes sévères dont les EBDR du fait de l’inflammation chronique due aux infections cutanées à répétition.

En dehors de l’hydronéphrose secondaire aux uropathies sténosantes, les principales autres causes d’atteinte rénale au cours des EBDR sont la glomérulonéphrite post-infectieuse et la glomérulonéphrite mésangiale à dépôt d’immunoglobuline A (IgA).

L’amylose AA constitue une complication grave, souvent mortelle, des EBDR.


Conclusion:

Ces deux cas d'amylose AA dans l'EBDR montrent la gravité de cette complication, souvent fatale. Un dépistage annuel de la protéinurie permettrait un diagnostic précoce, et de nouveaux traitements pourraient améliorer le pronostic chez ces patients fragiles.


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Auteurs

Année de la publication

Nombre de cas

Les atteintes liées à l’amylose

Hémodialyse

Évolution

Chaabouni et al (1)

2021

2

Rénale

Oui

Décès des 2 cas rapportés

Kaneko et al(2)

2000

7

Rénale

Oui

Décès du cas index

Bourke et al(3)

1995

2

Rénale

Non précisé

Décès

Pinarbasi et al (4)

2019

1

Rénale

Non précisé

Décès

S yi (5)

1988

1

Rénale

Non précisé

Décès

Références

1. Chaabouni R, Amouri M, Chaari C, Bouattour Y, Sellami K, Bahloul Z, et al. Une cause rare de l’amylose AA : les épidermolyses bulleuses héréditaires. Néphrologie & Thérapeutique [Internet]. avr 2022 [cité 8 sept 2024];18(2):136‑9. Disponible sur: https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1769725521005319


2. Kaneko K, Kakuta M, Ohtomo Y, Shimizu T, Yamashiro Y, Ogawa H, et al. Renal Amyloidosis in Recessive Dystrophic Epidermolysis bullosa. Dermatology [Internet]. 2000 [cité 8 sept 2024];200(3):209‑12. Disponible sur: https://karger.com/DRM/article/doi/10.1159/000018384


3. Bourke JF, Browne G, Gaffney EF, Young M. Fatal systemic amyloidosis (AA type) in two sisters with dystrophic epidermolysis bullosa. Journal of the American Academy of Dermatology [Internet]. août 1995 [cité 8 sept 2024];33(2):370‑2. Disponible sur: https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/0190962295914366


4. Pinarbasi A, Dursun I, Daldaban B, Günay N, Çiçek S, Şahin N, et al. Epidermolysis bullosa complicated with nephrotic syndrome due to AA amyloidosis: A case report and brief review of literature. Saudi J Kidney Dis Transpl [Internet]. 2019 [cité 8 sept 2024];30(6):1450. Disponible sur: https://journals.lww.com/10.4103/1319-2442.275492


5. Yi S, Naito M, Takahashi K, Nogami R, Maekawa Y, Arao T. Complicating systemic amyloidosis in dystrophic epidermolysis bullosa, recessive type. Pathology [Internet]. 1988 [cité 8 sept 2024];20(2):184‑7. Disponible sur: https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S003130251636634X

 
 
 

Dernière mise à jour : 11 juin 2024

Qu’appelle-t-on Fièvre Méditerranéenne Familiale ?

Merci à Rare à l'écoute de mettre en lumière l’une des pathologies du CEREMAIA, la Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF) #FMF.


  • Au micro de cet épisode 1 le Docteur Savey médecin interniste à l’Hôpital Tenon (Paris), centre de référence des maladies autoinflammatoires et de l’amylose inflammatoire (CEREMAIA) de la filière FAI2R, vous explique ce que l'on appelle la FMF.




  • Au micro de cet épisode 2 le Pr Sophie Georgin-Lavialle, médecin interniste à l’Hôpital Tenon (Paris) et responsable du centre constitutif adulte du CEREMAIA Tenon, centre de référence des maladies autoinflammatoires et de l’amylose inflammatoire (CEREMAIA) de la filière FAI2R, aborde le diagnostic de la FMF.




  • Au micro de cet épisode 3 le Pr Koné-Paut, pédiatre et chef du service de rhumatologie pédiatrique de l'hôpital Bicêtre au Kremlin-Bicêtre et coordonnateur du centre de référence CEREMAIA, vous explique comment accompagner les patients atteints de fièvre méditerranéenne familiale.



  • Au micro de cet épisode 4 le Dr Véronique Hentgen, pédiatre au centre hospitalier de Versailles et coordinatrice du CEREMAIA, le centre de référence des maladies auto inflammatoires et de l’amylose, de la filière FAI2R. vous explique comment prendre en charge une Fièvre Méditerranéenne Familiale.



  • Au micro de cet épisode 5 Mr Belamich, président de l’AFFMF, Association Française de la Fièvre Méditerranéenne Familiale et des autres Fièvres Récurrentes Héréditaires, vous parle de comment vivre avec une fièvre méditerranéenne familiale.



 
 
 

Dernière mise à jour : 2 juin 2024

Premier auteur :  Basset et al

Revue:  Journal of the American Society of Nephrology

Reference :  DOI :   10.1681/ASN.0000000000000339

Lien vers l’article :  https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38512269/


Introduction :

L’amylose inflammatoire est une maladie rare secondaire au  dépôt de la protéine serum amyloïde A (SAA) sous forme de fibrilles amyloïdes insolubles, provoquant majoritairement des lésions et  un dysfonctionnement rénal peuvant évoluer vers une insuffisance rénale terminale nécessitant la dialyse. L'atteinte rénale est presque constante tous les cas d'amylose AA au moment du diagnostic, tandis que l'atteinte cardiaque est peu fréquente. Contrairement aux formes d’amyloses systémiques plus fréquentes, en particulier   AL et ATTR, l'amylose AA n’a pas encore fait l'objet d'études prospectives.

 

Grâce à leur capacité à prédire avec précision le pronostic sans avoir recours à des tests invasifs et coûteux, les systèmes de stradification basés sur des biomarqueurs jouent un rôle bien établi dans la prise en charge des patients atteints d'amylose systémique. Par exemple, des systèmes de stratification pour la survie globale et l'insuffisance rénale on t été validés pour l'amylose AL. Plus récemment, deux systèmes de stradification de la survie globale ont été validés pour l'amylose à transthyrétine (ATTR). Cependant, l'amylose AA ne disposait pas à ce jour de système validé pour stratifier le risque de progression rénal de la maladie. Dans cette étude, les auteurs ont  développé et validé un système de stratification pour la survie globale et l'insuffisance rénale chez les patients atteints d'amylose AA nouvellement diagnostiquée.

 

Méthodes :  

Patients inclus

Les bases de données du Centre de recherche et de traitement de l'amylose de Pavie, en Italie, et du Centre de l'amylose d’Heidelberg, en Allemagne, ont été utilisées. Quatre cent soixante-seize patients consécutifs atteints d'une amylose AA nouvellement diagnostiquée, dont 233 à Pavie, entre 1991-2020 et 243 à Heidelberg,entre 1975 et 2020, ont été inclus dans l'étude.  

En l'absence d'un consensus spécifique sur la définition de l'atteinte des organes dans l'amylose AA, les auteurs ont choisi d'utiliser les critères d'atteinte des organes de l'amylose AL : Le  débit de filtration glomérulaire (DFGe), Le peptide natriurétique de type B (BNP) et le N-terminal BNP (NT-proBNP).

 La cohorte italienne a été utilisée comme population de test et la série allemande comme cohorte de validation dans l'analyse.

 

Analyse statistique

Des analyses ROC basées sur la survie, le décès et la dialyse des patients avec amylose AA à 24 mois ont été utilisées pour identifier les seuils de biomarqueurs,   qui selon l'indice de Youden, discriminent le mieux la survie globale et l'insuffisance rénale. La médiane de suivi était estimée par la méthode inverse de Kaplan-Meier. La survie globale était calculée à partir du diagnostic jusqu'au décès (événement) ou au dernier contact avec le patient en vie.

 

Le système de stratification élaboré dans la cohorte de Pavie a été appliqué à la cohorte de Heidelberg. Compte tenu de la bonne discrimination et de la bonne calibration, les auteurs ont combiné les deux cohortes pour les analyses ultérieures, afin d'utiliser efficacement les informations contenues dans les catégories de risque et d'augmenter la précision des estimations de HR associées.

 

Résultats :

 

Ainsi, 476 patients ont été évalués au cours de la période d'étude (233 à Pavie et 243 à Heidelberg), la plupart d'entre eux (> 95 %) ayant été diagnostiqués après 2000 (table 1). Une atteinte rénale était présente dans 95 % des cas ; 33 patients italiens (14 %) et 47 allemands (19 %) patients étaient déjà sous dialyse au moment du diagnostic respectivement.

Des différences ont été observées entre les deux cohortes : les taux d'albumine sérique étant plus élevés et  les patients allemands étant plus jeunesque les patients italiens. Des différences ont également été observées dans les causes sous-jacentes de l'inflammation chronique, avec une proportion plus élevée d'infections récurrentes et d'AA idiopathique en Italie et davantage de maladies autoinflammatoires en Allemagne. t .

Le suivi médian des patients était de 67 mois en Italie et de 36 mois en Allemagne. Dans la cohorte italienne, 58 (25%) patients sont décédés et 51 (21%) dans la cohorte allemande. Aucune différence de survie globale n'a été observée entre les deux cohortes (test Log-rank p=0,28).

 Parmi les patients qui n'étaient pas sous dialyse au moment du diagnostic, 68 (32%) ont évolué vers une insuffisance rénale terminale dans le groupe de Pavie et 56 (29%) dans la cohorte de Heidelberg.

 

Identification des seuils de biomarqueurs discriminant le mieux la survie globale et l'insuffisance rénale

 

Les seuils les plus discriminants pour la survie globale à 24 mois dans la cohorte de test de Pavie étaient

·         le DFGe  45 ml/min/1,73 m2

·         3,0 g/dL pour l'albumine sérique

·         40 mg/L pour la SAA

·         130 ng/L pour le BNP

·         1000 ng/L pour le NT-proBNP          

 

Les seuils les plus discriminants pour la dialyse à 24 mois étaient

·          Le DFG à 35 ml/min/1,73 m2

·         3,0 g/dL pour l'albumine sérique

·          25 mg/L pour SAA

·         3 g/24h pour la protéinurie sur 24 heures

 

Prédiction de la survie globale et système de stradification (Tableau 2)

 

Le système de stratification calculé comme la somme des coefficients simplifiés allait de 0 à 3. En raison du faible nombre de décès dans certaines catégories, les auteurs ont regroupé le score 0 avec le score 1 (catégorie à faible risque). Ce système de stratification a permis d'identifier trois groupes de patients dont la survie est significativement différente.

La survie globale à 5 ans était de 94 % (IC 95 % : 87-98 %) dans la catégorie à faible risque, de 80 % (IC 95 % : 62-90 %) dans la catégorie à risque intermédiaire et de 46 % (IC 95 % : 21-68 %) dans la catégorie à haut risque.


 

Discussion et conclusion :

 

Il s’agit de la première étude proposant un système de stratification basé sur des biomarqueurs non invasifs pour la survie globale et l'insuffisance rénale dans l'amylose AA.

L'âge avancé au moment du diagnostic, la proteinurie de 24h, le rapport proteinurie/creatinurie

ont été confirmés comme un facteur de mauvais pronostic  pour la survie et la progression vers l’insuffisance rénale.  

En conclusion, les auteurs proposent ces biomarqueurs pour stratifier la survie globale et l'insuffisance rénale dans le but d’améliorer la prise en charge des patients atteints d'amylose AA en identifiant les cas les plus graves.


Table 2


Table 4

 
 
 
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